mercredi 7 avril 2010

"Roman Polanski: Et les mois passent..." par Dominique Legrand

Dominique Legrand a écrit quelques thrillers (dont Décorum, Journal d’Alexandre Davos, assassin chez Babel Noir et Le Point de Connexion chez Anne Carrière), un roman historique pour la jeunesse (Un amour sous la Terreur chez Oskar Editions) et deux études cinématographiques, consacrées à Brian De Palma et David Fincher (Éditions du Cerf).
Il est aussi, comme bon nombre de cinéphiles, un grand admirateur de l’œuvre de Roman Polanski.


Roman Polanski : et les mois passent...

Le 26 septembre 2009, Roman Polanski a été arrêté à Zurich, alors qu’il se rendait à un festival pour y recevoir un prix couronnant l’ensemble de sa carrière.
Il est passé directement de l’aéroport à la case prison, sous bonne escorte helvétique, sans jamais mettre un pied dans ce palais qui devait le célébrer.
Après avoir occupé deux mois une cellule aux environs de Zurich, il a pu intégrer son chalet de Gstaad, moyennant le dépôt de ses papiers d’identité aux autorités suisses, le versement d’une caution de 3 millions d’euros, et la pose d’un bracelet électronique l’empêchant de franchir le seuil de sa porte.

Voilà bientôt six mois que ce réalisateur à la carrière légendaire, à l’œuvre génératrice de vocations, véritable matrice de toute une génération de cinéphiles, est maintenu en détention avec les précautions d’usage ordinairement réservées à des criminels de guerre génocidaires.

Si je prends la plume aujourd’hui, ou plutôt le clavier de mon ordinateur, c’est pour dire combien chaque jour qui passe, il m’est insupportable de savoir ce cinéaste de génie enfermé. Car oui, n’en déplaise à ses détracteurs, Roman Polanski est bien un génie, et il y en a si peu dans le cinéma aujourd’hui qu’il ne faut pas se priver de le crier haut et fort.

Dans mon panthéon personnel, il partage la toute première place, aux côtés de Stanley Kubrick. Mon admiration pour lui n’a jamais cessé, ne s’est jamais altérée, et encore moins aujourd’hui qu’hier.

En ce qui me concerne, son arrestation m’aura permis de faire le tri dans mon agenda, entre ceux que je pensais être mes amis et ceux qui le sont vraiment. De vicieux raccourcis, de scélérates associations, ont rapidement mêlé des artistes que je tiens pour maîtres, tels Roman Polanski ou Woody Allen, à une espèce de criminels pour qui j’éprouve le plus profond dégoût, à savoir les pédophiles.

Rien n’aura été épargné à Polanski, ni les souffrances d’une enfance hors norme, ni les douleurs d’une vie amoureuse interrompue, ni les aléas d’une justice compliquée.

Il a commis un délit. Il ne s’en est jamais caché, ni d’ailleurs glorifié. Il aurait sûrement souhaité que cette soirée ne se produise jamais, mais nul autre n’est mieux placé que lui pour savoir qu’un film ne peut revenir en arrière.
La vie ménage parfois de surprenants imprévus, et aujourd’hui, ce cinéaste dont l’œuvre m’est si familière depuis si longtemps, se voit condamné à séjourner dans sa propre prison, même si celle-ci a des reflets dorés.

Les mois passent, inéluctablement, imperceptiblement, et plus on avance dans le temps, plus on ressent une étrange impression, celle que son « incarcération à domicile » ne semble plus déranger personne. Au contraire, cette situation paraît admise, presque logique quand on connaît la fascination du réalisateur pour les univers clos.
Malgré le combat incessant mené par ses proches et ses avocats, la justice, en plus d’être aveugle, semble désespérément sourde.
Aujourd’hui, hormis quelques noms, dont Bernard-Henri Lévy, Pascal Bruckner et Yann Moix, il est bien peu de voix « publiques » prêtes à s’élever pour clamer leur indignation.
Combien de temps cela va-t-il encore durer ? A qui profite réellement cet enfermement ?

Une fois The Ghost-Writer, film remarquable et formidablement prophétique, disparu de nos écrans, qui parlera encore de Polanski dans quelques semaines ?
Un cinéaste n’est pas un romancier. Pour faire des films, il doit tourner, car à moins de faire un huis-clos dans son chalet, il va donc bien falloir que le réalisateur puisse sortir de chez lui. Mais quand ?

Roman Polanski est le cinéaste de mon enfance, de mon adolescence.
Rosemary’s Baby m’a terrifié pendant des années. Chaque fois que je voyais ce film, je ne comprenais pas comment Mia Farrow pouvait se laisser enfermer dans ce piège sans rien voir. J’avais envie de la prévenir du plus fort que je pouvais, de hurler comme les enfants à un spectacle de Guignol. Mais chaque fois, le cauchemar recommençait pour s’achever au pied d’un berceau drapé de noir, orné d’un crucifix inversé. Puis, la douce mélodie composée par Krzystzof Komeda s’échappait par la fenêtre pour aller se perdre sur les toits de New York.

Depuis, mon cerveau de cinéphile est peuplé d’images polanskiennes : une jeune femme blonde terrorisée, obsédée par des fissures dans les murs de son appartement ; une voiture qu’un gangster au bras en écharpe pousse sur une route déserte ; une femme nue avec une jambe peinte en bleue se tenant à l’arrière d’un camion transportant des cochons ; un privé des années 40 au nez barré d’un sparadrap ; un homme travesti, coiffé d’une perruque, se défénestrant dans la cour intérieure d’un vieil immeuble parisien ; un américain en équilibre sur les toits de Paris, tentant de récupérer le contenu d’une valise couleur crème ; un paralytique bloqué dans une cabine de paquebot, obligeant un jeune passager anglais à écouter le récit d’une relation amoureuse destructrice ; une rescapée de la junte argentine observant au loin les phares d’une voiture s’approchant de sa maison isolée ; un bibliophile caressant le pentacle figurant sur la couverture d’un vieux grimoire ; un pianiste polonais amaigri, vêtu de guenilles, jouant un nocturne sur un vieux piano sous l’œil admiratif d’un officier allemand ; jusqu’à cette maison de verre et de bêton frappée par la pluie, où un homme assis dans un bureau, relit un manuscrit, une tasse à la main.

Roman Polanski me manque, comme il manque à tous les cinéphiles. Nous lui réclamons encore d’autres images.
Il doit coûte que coûte sortir de sa cage pour que son imaginaire puisse venir nourrir le nôtre.
Nous partageons avec lui une vie de cinéma, et ça ne peut pas s’arrêter comme ça.
Nous avons encore besoin de ses images.
Dominique Legrand

1 commentaire:

  1. comment ramener les psychotiques que vous êtes à la réalité?

    simple = citation =

    Voilà bientôt six mois que ce réalisateur à la carrière légendaire, à l’œuvre génératrice de vocations, véritable matrice de toute une génération de cinéphiles,

    ...

    autant dire qu'on en a rien à carrer voyez-vous car le cinéma est un concept bourgeois destiné à flatter les bobos et à endoctriner les petits esprits.

    donc votre Polanski non seulement est un branleur un abruti mais un violeur !

    RépondreSupprimer